Economie circulaire: pour une construction respectueuse du climat

Avec les crises qui s'enchaînent, il apparaît comme une évidence que notre économie basée sur une surexploitation des ressources n’est plus viable. L’économie circulaire propose de s’inspirer de la nature et de ses cycles pour développer un système plus durable. La construction, très gourmande en matière première, est adaptée à l’économie circulaire. Ce qu'a bien compris Lutz Architectes qui applique ces principes depuis près de 40 ans dans ses réalisations.

Qu’est-ce qu’une économie circulaire ?

L’idée de base de l'économie circulaire est simple: comme dans la nature, rien ne se perd, tout se transforme. L’objectif est de réduire à un minimum l’utilisation de matériaux et d’énergie pour fabriquer des biens et services. Il s’agit donc de maintenir en circulation les produits le plus longtemps possible en prolongeant leur durée de vie et d’utilisation. Ainsi, la quantité de déchets produite est limitée et la consommation de matière minimisée. En fin de vie d'un produit, son recyclage ou sa transformation doit rester possible, simple et, idéalement, anticipée.

L'économie circulaire fonctionne en cycle et s'oppose au modèle économique actuel linéaire du tout à la benne.
Illustration: concept de l'économie circulaire, Magazine L'environnement, OFEV

Comment appliquer l’économie circulaire à la construction?

En Europe, les secteurs de la construction et de la démolition sont responsables du tiers des déchets produits. En Suisse, les déchets de la construction représentent même 84% du volume total des déchets produits. Le passage à une économie circulaire dans la construction permettrait une économie de 11 Gt d’émission de CO2 au niveau mondial.

Pour diminuer les déchets de construction, il s’agit de:

  • favoriser le recyclage des matériaux 
  • augmenter la durée de vie des bâtiments
  • rénover les bâtiments plutôt que les démolir 
  • veiller à ce que les différents éléments les composant restent dans le cycle, c’est-à-dire qu’ils puissent être démontés facilement et réemployés

Choisir des matériaux et des énergies renouvelables

Il n’y a pas que les déchets à limiter pour atteindre une économie circulaire. L’énergie, qui doit être renouvelable, est à consommer avec parcimonie. Il faut aussi éviter l’usage de matériaux composés de substances chimiques problématiques en privilégiant les matériaux de construction écologiques et biosourcés tels que le bois.

Les avantages des matériaux biosourcés

Les matériaux biosourcés possèdent l’immense avantage de croître avec l’énergie du soleil et de substituer du CO2 de l’atmosphère lors de leur croissance. Leur élimination en fin de vie, s’ils ne sont pas mélangés à des substance nocives, n’est pas problématique. Et surtout, c’est une matière première renouvelable. La seule difficulté est de ne pas épuiser le stock. En Suisse, la filière du bois l’a bien compris en replantant un arbre après chaque arbre coupé. Le stock est largement suffisant puisque seule un peu plus de la moitié de la croissance annuelle est utilisée.

Recycler les déchets : une nécessité

Le recyclage est un élément important de l’économie circulaire. Il existe différentes manières de recycler qui n’ont pas toutes le même potentiel de réduction des émissions de CO2. Précisons d’abord trois notions liées au recyclage :

  • Downcycling : Transformation d’un déchet en un produit de moins bonne qualité. Ex.: papier recyclé
  • Recycling : Réutilisation de la matière pour refaire la même matière sans perte de qualité. Ex: acier, aluminium, verre
  • Upcycling : Faire du neuf avec du vieux en créant de la valeur ajoutée. Ex.: fabrication de vêtements à partir de PET

 

Une fiche éditée par Suisse Energie pour savoir comment respecter l’accord de Paris pour 2050 dans la construction a comparé différentes mesures. On y apprend ainsi qu’utiliser des matériaux de construction à partir de déchets ou de sous-déchets conduit par exemple à un potentiel de réduction de 1% des émissions.

Le béton recyclé: une mesure peu efficace

Le béton recyclé, souvent cité comme élément clé d’une économie circulaire, n’a ainsi qu’un impact limité. De plus, le béton recyclé s’apparente à du downcycling. En effet les qualités du béton recyclé sont moindres que le béton d’origine et sa mise en oeuvre nécessite une grande quantité d’énergie, de matériaux (ciment) et d’eau. 

Rénover plutôt que démolir: une mesure efficace pour le climat

Prolonger la durée de vie des bâtiments en les rénovant plutôt qu’en les démolissant a un impact bien plus important. En réutilisant la structure porteuse d’un bâtiment, soit une démarche de recycling, le potentiel de réduction de CO2 augmente à 16%.

Valoriser les bâtiments existants: une démarche gagnante

Mais lorsqu’on donne une plus-value aux bâtiments en appliquant une démarche d’upcycling, on peut même atteindre une baisse de 60% des émissions de CO2. Comme par exemple en optimisant l’utilisation d’espaces « perdus » comme des combles froids ou en les agrandissant avec des surélévations ou des extensions en bois. Il est alors possible de réorganiser les espaces pour répondre à de nouveaux besoins. Sans avoir besoin de construire du neuf.

Avec la construction d'une surélévation en bois et la transformation des garages, cette maison individuelle des années 60 s'est transformée en petit immeuble de 3 appartements. Et malgré l'augmentation de la surface et des occupants, la maison est désormais à énergie positive. C'est à dire qu'elle produit plus d'énergie renouvelable que nécessaire pour son fonctionnement. 

Le réemploi des matériaux : une piste à explorer

Mais avant de penser à recycler, il s'agit de privilégier le réemploi des matériaux. De tout temps, l’homme a réemployé des matériaux pour construire. On pense par exemple aux pierres de nombreux édifices romains réutilisées dans des bâtiments du Moyen-Age. La situation actuelle où l’on met en décharge les matériaux est inédite dans l’histoire humaine.

Le réemploi des matériaux est une piste prometteuse de l'économie circulaire. Encore faut-il réussir à déconstruire les matériaux en fin de vie, ce qui n'est pas toujours une mince affaire. 
Photo: matériaux démontés lors d'un atelier pratique sur le réemploi dans une maison que nous rénovons dans le district du Lac

Des freins importants au réemploi

Des initiatives privées existent pour favoriser le réemploi tels que Matériuum ou Salza mais le coût reste un frein important. En Suisse, le coût de la matière première par rapport à la main d’œuvre est de 1:10. Or le réemploi nécessite beaucoup de travail d’inventaire, de tri, de démontage et de stockage. Les exigences légales ou d’assurance qualité freinent aussi son développement.

Sensibiliser les architectes au réemploi

Dans ce domaine en plein développement, des pionniers montrent la voie à suivre comme le baubüro insitu à Bâle. D’autres explorent des pistes pour sensibiliser les architectes. Comme le Kollektiv Rethink Materials avec lequel nous avons collaboré pour mettre sur pied un atelier dans une maison que nous rénovons selon le standard Minergie

Le réemploi pour répondre aux objectifs climatiques

Mais pour un réel essor, il faudrait que ces mesures coûteuses soient soutenues par les autorités. Confrontées à un manque croissant de place pour stocker les déchets, elles auraient tout intérêt à ce que le réemploi se développe rapidement. Ce qui leur permettrait en même temps de répondre à leurs ambitieux objectifs climatiques.

 

Sources:

Rien ne se perd, L'économie circulaire au profit de l'environnement et des entreprises, Magazine L'Environnement, OFEV
Déconstruction sélective, construction réversible : recueil pour diminuer les déchets et favoriser le réemploi dans la construction, SLL
Construction positive pour le climat respectant l’accord de Paris, fiche d'informations, Suisse Energie

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